Faires des trous carrés

Dans le film Le triangle recourbé de Reuleaux nous avons vu des figures qui ont une largeur constante. Que le triangle de Reuleaux est la plus simple de ces figures nous aidera à réaliser des trous carrés. Si vous déplacez le centre de ce «triangle» le long d’une certaine trajec­toire, son sommet dessi­nera presque un carré et le triangle même couvrira, en balayant, toute la surface à l’inté­rieur de la figure ainsi obtenue.

Les côtés de cette figure, à l’excep­tion de petits morceaux au coins, seront stric­te­ment recti­lignes! Et en prolon­geant ces segments de droites on obtiendra exac­te­ment un carré.

Afin de réaliser ce que nous avons décrit, le centre du triangle de Reuleaux doit se déplacer le long d’une trajec­toire, qui est l’union de quatre arcs égaux d’ellipses. Les centres des ellipses sont situées sur les sommets du carré tandis que les demi–axes sont inclinés de $45^\circ$ par rapport aux côtés du carré, et ont longueur égale à $k\cdot(1+1/\sqrt{3})/2$ et $k\cdot(1-1/\sqrt{3})/2$, $k$ étant la longueur du côté du carré.

Les morceaux de courbe qui remplacent les coins aux angles droits sont égale­ment des arcs d’ellipses avec leur centres aux sommets du carré, inclinés de $45^\circ$ par rapport aux côtés du carré, et ayant longueur égale à $k\cdot(\sqrt{3}+1)/2$ et $k\cdot(\sqrt{3}-1)/2$ respec­ti­ve­ment.

La surface aux coins qui est exclue est à peu près le 2 pour cent de toute le carré!

Si main­te­nant vous avez le foret d’une perceuse ayant la forme du triangle de Reuleaux, alors vous pouvez percer des trous carrés un peu «arrondis» aux coins, mais avec les côtés parfai­te­ment droits!

Il reste à construire une telle perceuse... Ou plutôt, il n’est pas compliqué de construire le foret en soi, il suffit qu’il aie une section simi­laire au triangle de Reuleaux, avec les arêtes vives en corres­pon­dance des sommet du triangle.

La seule diffi­culté est, comme indiqué précé­dem­ment, que la trajec­toire du centre du triangle doit être composé de quatre arcs d’ellipses. A vue de nez, cette courbe ressemble beau­coup à un cercle, et même mathé­ma­tique­ment est très proche de lui, mais ce n’est pas un cercle, tandis que toute excen­trique (obtenue par un cercle dont le centre se déplace sur un autre cercle de rayon diffé­rent) utilisée dans les méca­nismes tech­niques, donne un mouve­ment qui est stric­te­ment circu­laire.

En 1914, l’ingé­nieur britan­nique James Harry Watt invente un moyen de surmonter cette diffi­culté. Sur une surface on a découpée la forme d’un carrée, dans laquelle le foret de la perceuse se dépla­cera. Ce foret est libre de se déplacer dans le porte–foret, afin de couvrir toute la surface en dedans du contour. L’usine, qui a obtenu le brevet pour ce méca­nisme, a commencé à produire les perceuses Watts en 1916.

Nous allons utiliser une autre construc­tion. Nous avons fixé le foret au triangle de Reuleaux qui se déplace dans un cadre carré qui sert de guide. Le cadre lui–même est fixé à la perceuse. Main­te­nant, nous devons faire tourner le triangle de Reuleaux.

Ce problème tech­nique est résolu avec l’aide d’un dispo­sitif méca­nique que vous avez proba­ble­ment déjà vu de nombreuses fois dans les arti­cu­la­tions qui connectent le remorque au camion. C’est le joint de Cardan. Cette arti­cu­la­tion est nommé d’après l’inven­teur, Jérôme Cardan.

Jérôme Cardan 1501—1576

Quand en 1541 l’empe­reur Charles Quint entra triom­pha­le­ment dans Milan, tout juste conquise, Cardan, doyen du Collège des méde­cins, lui était voisin sous un dais. En signe de grati­tude pour l’honneur il proposa de changer le remorquage de la voiture impé­riale au moyen de deux arti­cu­la­tions, qui permettent à voiture de main­tenir la posi­tion hori­zon­tale [...] Honnê­te­ment, il convient de noter que l’idée d’un tel méca­nisme remonte à l’antiquité, et que déjà dans le « Codex Atlan­tique» il y a un dessin par Léonard de Vinci d’une bous­sole pour un navire, suspendue par un joint de Cardan. Ces bous­soles ont été adop­tées dans la première moitié du XVIe siècle, proba­ble­ment, indé­pen­dam­ment de Cardan.

S. G. Gindikin, Contes de Physique et Mathé­ma­tiques.

Main­te­nant tout est prêt pour le forage. Prenons une feuille de contre­plaqué et faisons un trou carré! Comme nous l’avons déjà dit, ses côtés seront parfai­te­ment droites, et seuls les coins seront un peu arrondi. Si néces­saire, nous pouvons les corriger par une lime.